|
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/11/la-chine-a-dcid.html
Jean Quatremer« "Plan de relance européen": attention, recyclage! | Accueil | Jacques Barrot, candidat à sa succession »
27/11/2008La Chine aime l'Europe à genoux
La Chine a décidé de jouer la crise : Pékin a annoncé, hier, qu’elle ne se rendrait pas au sommet Union européenne/Chine - qui devait avoir lieu lundi à Lyon -. De même, le sommet France-Chine qui devait se tenir le lendemain à Paris en présence du Premier ministre chinois Wen Jiabao a également été reporté. La raison ? La visite que le Dalaï-Lama, le chef spirituel des Tibétains, effectue en Europe à partir du 29 novembre au cour de laquelle il doit notamment s’exprimer le 3 décembre devant le Parlement européen réuni en séance solennelle et rencontrer une série de chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union. En particulier, il doit s’entretenir avec Nicolas Sarkozy, président en exercice du Conseil européen, le 6 décembre à Gdansk, en Pologne, lors d’une réunion des prix nobel de la paix. C’est la première fois dans l’histoire communautaire qu’un sommet est ainsi annulé in extremis pour des raisons politiques. « C’est l’échec de la stratégie de l’Union qui a joué la conciliation en refusant de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin après la répression au Tibet parce que, comme l’a expliqué Sarkozy, « on ne peut humilier un quart de l’humanité » », se désole Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe Vert au Parlement européen. « On a parié sur l’ouverture chinoise et maintenant les Chinois veulent nous humilier et nous mettre à genoux ».
La nouvelle de l’annulation du onzième sommet annuel euro-chinois a été annoncée par un communiqué de la Présidence française de l’Union qui reconnaît que les autorités chinoises ont officiellement « motivé leur décision par le fait que le Dalaï-Lama effectuerait au même moment une nouvelle visite dans plusieurs pays de l’Union et rencontrerait à cette occasion des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne ainsi que des présidents d’institutions européennes ». Les Vingt-sept « regrettent » cette annulation, surtout « au moment où la situation économique et financière mondiale appelle à une coopération très étroite entre l’Europe et la Chine ». Aucune nouvelle date n’a été fixée, ce qui montre la fureur de Pékin.
La tentation, au printemps derniers, de certains dirigeants européens, dont le chef de l’Etat français, de boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin à la suite de la sanglante répression des manifestations au Tibet, est manifestement restée en travers de la gorge des autorités chinoises. La décision du Parlement européen, annoncée le 23 octobre, de remettre le prix Sakharov pour les droits de l’homme au dissident chinois emprisonné Hu Jia, n’a pas arrangé les choses. Pékin vient d’ailleurs de s’opposer à ce que l’eurodéputé verte, Hega Trüpel, puisse annoncer à la femme de Hu Jia l’attribution de ce prix. La concordance de la visite du Dalaï-Lama en Europe avec le sommet UE/Chine, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
A Bruxelles, on se veut bravache : « si l’intention des Chinois est de nous mettre à genoux, ils vont échouer ». On en veut pour preuve que personne, en Europe, n’a l’intention de céder au chantage de Pékin. Ainsi, à l’Elysée, on confirme que Sarkozy maintiendra sa rencontre avec le Dalaï-Lama. On rappelle aussi à la Commission « que les Chinois ont autant à perdre que nous dans le report de ce sommet ». L’Elysée souligne que l’Union est le premier partenaire commercial de la Chine devant les Etats-Unis et que les Vingt-sept sont les premiers investisseurs étrangers dans ce pays.
« La stratégie des Chinois est incompréhensible. Ils se tirent une balle dans le pied », analyse un diplomate européen. « S’ils s’interdisent de voyager à chaque fois que le Dalaï-Lama est quelque part, ils ne vont plus beaucoup quitter Pékin », ironise-t-on à l’Elysée où l’on refuse de qualifier cette annulation de « crise ». « Ils ont placé la barre très haut : si le leader tibétain est aux Etats-Unis alors qu’ils doivent rencontre Barack Obama, vont-ils aussi refuser de s’y rendre ? S’ils ne le font pas, cela signifiera qu’ils s’inclinent devant la puissance américaine » (à droite, rencontre entre George Bush et le Dalaï-Lama en octobre 2007). Bref, le gouvernement chinois se serait mis dans un piège dont il aura le plus grand mal à sortir…
Une version optimiste que ne partage par le leader des verts qui a mené la bataille pour le boycott des JO et présenté la candidature de Hu Jia au prix Sakharov : « les Européens ont cédé devant Pékin lors des JO. Maintenant les Chinois veulent pousser leur avantage. Comme le disait Chris Patten, l’ancien commissaire européen aux relations extérieures et dernier gouverneur de Hong-Kong, si tu donnes le petit doigt à un Chinois, il te mange la main. Si tu lui donne la main, il te mange le bras, etc. ». Pour Cohn-Bendit, « les Chinois ne vous respectent que si vous leur tenez tête. Sarkozy est humilié : il s’est même rendu avec son fils à la cérémonie d’ouverture pour les amadouer. Pour rien ».
Les faits semblent lui donner raison. Ce matin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Qin Gang a expliqué, lors d'un point de presse, que "la date du sommet dépendra du moment où la France, qui assure la présidence de l'Union européenne, adoptera des mesures concrètes pour créer les bonnes conditions nécessaires pour ce sommet". "En Chine, il y a un dicton: +celui qui cause le problème doit le résoudre+. Ce n'est pas la Chine qui a provoqué cette situation". On ne saurait être plus clair: comme les bourgeois de Calais, Sarkozy devra se passer la corde au cou.
Rédigé le 27/11/2008 à 12:29 dans diplomatie | Lien permanent
[ 本帖最后由 liliboulay 于 2008-12-6 02:59 编辑 ] |
|