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La Chine et les Etats désunis d'Europe
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Par Arnaud de la Grange le 1 décembre 2009 12h13
(Sommet de Nankin, Photo People's Daily)
Sans être taxé d'autoflagellation, on peut avancer qu'il existe aujourd'hui un singulier décalage entre les visions sur la relation Europe-Chine que l'on peut développer dans les capitales européennes et à Pékin. Et quand on voit le tour qu'a pris la relation sino-américaine, même sans évoquer cet hypothétique G2, l'on peut s'interroger sur la place occupée par l'Europe sur le radar chinois. Dans la presse chinoise, hier, impossible de trouver mention en Une du sommet sino-européen de Nankin. Et toute comparaison avec le traitement médiatique de la moindre rencontre sino-américaine, sans même parler de la visite de Barack Obama, serait déprimante.
L'annulation brutale du sommet européen de Lyon, il y a un an, pour cause de rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï-lama, a montré à quels égards se sent tenue la Chine vis-à-vis de l'Europe. Aujourd'hui, les affaires sont censées reprendre. Mais sur le plan politique, l'année 2008 a laissé des traces. Le terrible manque de solidarité européenne - c'est un euphémisme - dans les tensions diplomatiques centrées sur la question tibétaine ont achevé de persuader les Chinois qu'ils pouvaient à loisir jouer avec les uns et les autres, les uns après les autres, les uns contre les autres même.
Un récent rapport de l'European Council on Foreign relations (ECFR) a apporté un éclairage aussi stimulant que cruel sur le sujet. Ses auteurs, John Fox et François Godement, déplorent en préambule que l'Europe se trompe en continuant à voir la Chine comme une puissance émergente et non comme un acteur fort et global. Et constatent que la propension de chacun à jouer des coudes - notamment France, Allemagne et Grande-Bretagne - pour gagner de l'influence en Chine, se traduit par une perte d'influence de tous. Ils proposent de passer d'une politique « d'engagement inconditionnel » à une politique « d'engagement réciproque ». Avec des « deals » donnant-donnant, en troquant par exemple avec la Chine le statut d'économie de marché qu'elle réclame, contre une levée de ses propres barrières mises au commerce et à l'investissement.
Pour Pan Wei, médiatique universitaire chinois chantre d'un autoritarisme rénové, « l'Europe est faible, politiquement divisée et militairement non-influente. Economiquement, c'est un géant, mais nous n'avons plus peur de lui car nous savons que l'Europe a plus besoin de la Chine que la Chine n'a besoin de l'Europe ». Les premiers constats ont leur part de vérité, mais la suite est contestable. Un récent rapport de la très dynamique Chambre européenne de Commerce en Chine affirme ainsi que c'est la Chine qui a plus besoin de l'Europe que l'inverse, les chiffres parlant d'eux-mêmes. Les exportations européennes en Chine représentent en effet 0,7% du PIB de l'UE alors que les exportations chinoises en Europe contribuent pour 7% au PIB de la Chine. De même, toute baisse de 1% du PIB européen se traduit par un ralentissement de 11,5% des exportations chinoises, contre seulement 9,8% pour une même chute du PIB aux États-Unis. Le problème vient donc d'une incapacité de l'Europe à jouer de ses atouts, et a contrario d'une habileté chinoise à jouer des faiblesses européennes.
Des déceptions, voire de fortes tensions commerciales, avec les Etats-Unis, pourraient rappeler à la Chine que la carte européenne n'est pas à froisser trop tôt dans la poche. Mais l'essentiel serait que les 27 comprennent enfin que l'intérêt à long terme de chacun est de présenter une image cohérente, sérieuse et ferme, plutôt que de courir des intérêts à la petite semaine, dans une cacophonie puérile et agitée qui ne suscite guère le respect chinois.
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