|
(原文链接http://www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2010-01-15/coup-de-bluff-google-va-t-il-vraiment-quitter-la-chine/1387/0/414031)
"COUP DE BLUFF" ? Google veut-il vraiment quitter la Chine ? Par Guerric Poncet
Invoquant la censure qui règne en Chine, Google a annoncé mardi 12 janvier qu'il envisageait de quitter ce marché . Son portail google.cn "pourrait être fermé", de même que ses bureaux en Chine. Pour le moment, Google n'a ni quitté la Chine ni stoppé la censure. Alors, véritable sursaut moral, ou annonce opportuniste ? lepoint.fr a essayé d'y voir plus clair.
La position de Google, un difficile compromis
Google.cn a été lancé en janvier 2006. Le géant du Web pensait alors que "les bénéfices d'un accès élargi à l'information pour les internautes en Chine [...] contrebalançaient la désagréable obligation de censurer certains résultats". Google avait été clair : "Si nous constatons que nous sommes incapables d'atteindre cet objectif, nous n'hésiterons pas à reconsidérer notre stratégie en Chine." Mardi 12 janvier, David Drummond, directeur des affaires juridiques de Google, expliquait que son entreprise avait subi une attaque commanditée par le gouvernement chinois. Selon le moteur de recherche, les autorités chinoises ont dérobé des données sur les comptes de défenseurs chinois des droits de l'homme, afin de les compromettre. L'entreprise américaine déclare alors la guerre au Parti communiste chinois, en dénonçant publiquement l'accord tacite qui les liait, et que les plus critiques surnomment "censure contre parts de marché". Cela n'a pas été facile pour Google, qui a pris position à l'issue d'un débat houleux entre le cofondateur, Sergey Brin, et l'actuel pdg, Eric Schmidt. Selon le Wall Street Journal, le premier, qui a passé une partie de son enfance en URSS, est hostile à toute coopération avec le Parti communiste chinois, alors que le second défend une présence "malgré tout", pour essayer d'assouplir Pékin petit à petit... et de conserver un marché important. Google est soutenu dans sa démarche par la Maison-Blanche, qui demande des explications à Pékin à propos des attaques subies par Google.
Le doute s'installe
"Le mercantilisme de Google me dégoûte", a tonné Sun Yunfeng, un responsable de Baidu, principal concurrent de Google en Chine (voir ci-dessous), dans un billet qui a été retiré de son blog depuis, cité par Courrier international. "Si Google occupait 80 % des parts de marché des moteurs de recherche en Chine, ses dirigeants annonceraient-ils d'une façon aussi médiatique qu'ils se retirent de Chine ?", poursuit Sun Yunfeng. En Occident, plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer la démagogie de Google. En France, l'équipe d'experts CERT-LEXSI a publié un article, intitulé Le grand bluff de Google , dans lequel elle explique que le moteur de recherche google.cn "a toujours répondu présent face aux demandes pressantes du gouvernement chinois pour censurer certains sites Web". Une docilité qui a cependant ses limites : Google ne répond qu'aux demandes fondées légalement, et non aux requêtes policières hors du cadre législatif... contrairement à d'autres acteurs . Les spécialistes de la sécurité voient la nouvelle posture du moteur de recherche comme "une occasion pour Google d'endosser de nouveau un rôle de chevalier blanc", et se posent une question : "Qui croirait un instant que Google tournerait définitivement le dos à un marché de plus de 300 millions d'internautes ?" L'universitaire américaine Rebecca Mackinnon, spécialiste mondialement reconnue de l'Internet chinois et chercheuse associée à l'université de Princeton, est dubitative : "La décision de Google est clairement controversée, même parmi ceux en Chine qui passent beaucoup de temps à lutter contre la censure."
La position des autorités chinoises
Le Parti communiste chinois, historiquement réfractaire à Internet, veut contrôler le réseau. Le Web permet, selon lui, d'accéder à des contenus "inadéquats", de la politique à la pornographie, en passant par la religion. Ainsi, les sites de défense des droits de l'homme, ceux qui réclament l'indépendance du Tibet ou encore ceux qui promeuvent le Falun Gong (un mouvement spirituel interdit en Chine, mais qui compte plusieurs dizaines de millions de pratiquants), sont bloqués sous couvert de la lutte contre le terrorisme ou les mauvaises moeurs. Sous la pression des citoyens, le Parti communiste lâche parfois du lest, mais réaffirme son pouvoir dès qu'il se sent menacé. Par exemple, le site YouTube (qui appartient à Google) a été censuré puis débloqué à plusieurs reprises, selon l'évolution de l'actualité chinoise. Il en va de même pour Wikipedia, Facebook ou encore Twitter. "Notre pays est à un stade crucial de ses réformes et de son développement", a expliqué Pékin dans un communiqué, ajoutant : "L'orientation adéquate de l'opinion sur Internet est une mesure stratégique."
Google.cn n'a pas fermé et censure toujours
Le portail google.cn est encore en ligne et censure toujours les résultats de certaines recherches, comme l'a reconnu un porte-parole de Google, vendredi 15 janvier, démentant ainsi des informations publiées par les médias. Seule la recherche de termes en alphabet latin (ce que font rarement les Chinois...) permet de trouver des contenus parfois sensibles. lepoint.fr a fait un test : une recherche d'image sur le terme "tiananmen". Sur google.com (ci-dessous, à gauche), les premières images renvoient toutes au massacre de 1989, lorsque le Parti communiste chinois avait ordonné la répression sanglante des manifestations. En revanche, à droite, sur google.cn, les premiers résultats évoquent plutôt la place Tiananmen d'aujourd'hui, un "haut lieu touristique".
Même si Google arrêtait effectivement de filtrer les résultats de recherche, cela ne permettrait pas aux internautes chinois d'accéder aux sites bloqués par les autorités chinoises. Les utilisateurs pourraient seulement savoir qu'ils existent et en lire un court résumé.
Le marché de la recherche en Chine
Le secteur chinois des moteurs de recherche est largement dominé par Baidu . Le portail chinois rassemble 60 % des internautes, alors que Google se contente d'environ 30 %. Le chiffre d'affaires du groupe américain sur le marché chinois est faible au regard de ses résultats globaux, mais il est tout de même de plusieurs centaines de millions de dollars, selon les analystes (Google refuse de dévoiler ce chiffre). Google propose plus de services que ses principaux concurrents et dispose d'une bonne image dans le pays, particulièrement auprès des jeunes et des utilisateurs à haut niveau d'éducation. Le marché chinois est stratégique, avec 384 millions d'internautes, un chiffre en très rapide augmentation (l'Amérique du Nord compte 252 millions d'internautes, et le continent européen 418 millions). Selon un analyste de JP Morgan , un retrait de Google serait très bénéfique pour "les acteurs locaux" en Chine, notamment pour le premier d'entre eux, Baidu. L'abandon de Google pourrait aussi profiter aux autres occidentaux présents, dont Microsoft, qui a annoncé son intention de rester .
La réaction des internautes
Les Chinois n'apprécient pas tous l'annonce faite par Google. Ceux qui utilisent ses services pourraient être en très mauvaise posture, forcés de rapatrier leurs contenus (emails, documents, agendas, contacts, etc.) vers d'autres services. Symboliquement, des Chinois sont allés déposer des fleurs devant les bureaux de Google, à Pékin , à Hong-Kong et ailleurs . Le site de microblogging Twitter, bloqué depuis la Chine, regorge de protestations . Celles-ci sont publiées par ceux qui sont capables de contourner la censure du Web chinois, ainsi que par ceux qui postent depuis un autre pays : ils ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble des internautes chinois. "Ce n'est pas Google qui se retire de Chine, c'est la Chine qui se retire du monde", résume un message, relayé par des milliers de personnes à travers le monde. Par ailleurs, le site googlebacktochina.com ("retour de Google en Chine") a rapidement été créé... depuis les États-Unis.
Seul l'avenir dira si la menace de Google est sérieuse ou s'il s'agit, comme le pense le CERT-LEXSI, d'un "gros coup de bluff". |
google, point, 中国, 吹牛, 法国, google, point, 中国, 吹牛, 法国, google, point, 中国, 吹牛, 法国
|