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La longue marche verte
Déjà considérée comme un fleuron industriel sous l’ère Mao, l’aciérie Shougang a accéléré son devéloppement dans les années 1990, devenant dans le même temps l’usine la plus polluante de Pékin. Déplacée à 200 km plus à l’est pour les Jeux olympiques, elle endosse aujourd’hui des habits plus «verts». Même si au passage, des dizaine de milliers d’ouvriers y laissent leur travail.
DéplACer une usine parce qu’elle pollue trop, c’est le chantier titanesque que les autorités chinoises ont imposé à l’aciérie Shougang. En jeu, le ciel de Pékin. Voilà un peu plus d’un an, les autorités étaient fébriles ; comme chaque été, un épais brouillard noyait la capitale. Et la Chine, tout affairée qu’elle était à préparer les 29e Jeux olympiques, ne pouvait le tolérer. Pour garantir un ciel azur aux athlètes, il n’y eut guère d’autre solution que de mettre en sommeil les activités industrielles de l’ensemble du bassin du Hebei, où vivent 100 millions d’habitants. Parmi les industries visées, on trouve un monstre : le colosse de l’acier Shougang, et son usine en proche périphérie de Pékin.
Ex numéro 1 du secteur, le groupe sidérurgique appartient au gouvernement municipal depuis la prise de pouvoir des communistes. Et Shougang soufflait chaque année près de la moitié des polluants industriels de Pékin, soit 18 000 tonnes de particules. Entre les infiltrations toxiques des nappes phréatiques et le linge noirci d’avoir séché à l’air libre, l’aciérie était devenue un problème de santé publique. D’autant que l’urbanisation galopante de la capitale avait fini par rapprocher de ses hauts fourneaux les barres d’immeubles de l’Ouest pékinois.
C’est sur l’îlot sablonneux de Caofeidian que renaîtra Shougang, pour un passage de relais final prévu en 2010. En attendant d’éteindre son dernier haut fourneau, le site de Pékin réduit la voilure : seuls 4 millions de tonnes d’acier, contre 8 auparavant, en sortiront cette année. Quant aux émissions polluantes, elles ont diminué de moitié, au grand soulagement du quartier. « On l’a vu pendant les JO, il suffit de quelques jours pour que l’atmosphère redevienne saine dès que les émissions polluantes sont stoppées », explique Hélène Cachier, du Laboratoire des sciences, du climat et de l'environnement (CEA/CNRS).
Mais un air plus respirable ne suffit pas à balayer l’amertume des cols bleus. Bataillon de 120 000 ouvriers jusqu’au début des années 2000, ils sont trois fois moins nombreux aujourd’hui à pointer chaque matin.
Mécanisation oblige, seuls 20 000 d’entre eux, cadres et techniciens pour la plupart, reprendront du service dans la nouvelle usine. La réhabilitation des 8 km2 du site pékinois, ville dans la ville, a donc logiquement retenu l’attention des autorités. Au programme, un parc de loisirs « vert » et un musée de la culture industrielle à visiter en petit train.
« Regardez là-bas, ça ressemble déjà à un paysage du sud de la Chine avec le petit pont et la pagode, non ? », s’enthousiasme Mu Haiming, du département « protection de l’environnement » de Shougang, en pointant les tours de refroidissement de l’usine. La pollution des sols et l’accumulation chronique de métaux lourds ne paraissent pas l’inquiéter outre mesure. « D’une manière générale, il n’y a pas de problèmes, et nous nous occuperons des sols autour des fours à coke. » Ce n’est pas l’avis d’Hélène Cachier, pour qui le lessivage des sols prendra encore des décennies.
Quartiers sinistrés, terrains insalubres à réhabiliter… Tel est le prix à payer par la Chine pour moderniser son secteur industriel, le rendre moins polluant et plus compétitif à l’international. La nouvelle usine, qui aura coûté 9,3 milliards de dollars, répond-elle à ces attentes ?
A Caofeidian, îlot relié à la terre par des parcelles prises sur la mer, Shougang junior s’étale sur une zone d’activité trois fois plus vaste que celle de Pékin. Nappé dans la brume, le site dégage une atmosphère de fin de monde. Les journées sont rythmées par le balai incessant des camions. Malgré les apparences, c’est pourtant l’endroit idéal pour accueillir le géant d’acier.
Projet pharaonique, le parc de Caofeidian est appelé à devenir l’un des principaux pôles industriels du nord-est de la Chine. Un port naturel en eaux profondes permet d’accueillir des minéraliers et pétroliers de 300 000 tonnes et la zone est riche en matières premières. Une centrale thermique de 4,6 gigawatts alimentera également toute la région. Dans ce nouveau décor, Shougang sera une usine « zéro émission », promet Zhu Jimin, président du groupe.
Pour éviter de déménager la pollution, les concepteurs du projet ont largement puisé dans les technologies d’efficacité énergétique. Ils ont aussi fait de l’économie circulaire l’un de leurs maîtres mots : le CO2 émis par l’aciérie sera à l’avenir réinjecté dans un champ pétrolifère voisin. Les résidus d’acier seront réutilisés pour fabriquer du ciment et le surplus de chaleur servira à alimenter la centrale thermique.
Au final, la production d’une tonne d’acier nécessitera trois fois moins d’eau que sur l’ancien site et chaque année, 220 000 tonnes de charbon et 10 millions de tonnes de fer seront économisées. Une éco-cité devrait voir le jour à 20 km de là pour accueillir 1 million d’habitants en 2020. Dernier élément qui ne manque pas de piquant : un bassin d’élevage de poissons sera intégré au cœur de la zone industrielle.
« Tout ça, c’est de la com ! », prévient Hélène Cachier. « L’usine polluera moins car le rendement thermique sera meilleur, mais une telle activité reste polluante et il ne faut pas oublier les émissions induites, comme celles liées aux transports. »
Comble de l’ironie, ces émissions polluantes, bien que maîtrisées, pourraient s’inviter sur la capitale en été, rabattues par les vents de sud et d’est puis emprisonnées par les montagnes au nord et à l’ouest.
Pour augmenter les jours de ciel bleu à Pékin, c’est l’ensemble du tissu industriel de la province qu’il faudrait revoir, et pas seulement quelques usines phares. Avec à la clé, un coût social substantiel. La transformation des colosses industriels chinois dans un sens plus respectueux de l’environnement s’annonce aussi longue et complexe que nécessaire, la Chine étant désormais le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète.
P.S. 原文中还包含两段采访的音频
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