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Pékin et l'Asean
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/01/pekin-et-l-asean_1286500_3232.html
En décembre 2001, l'adhésion effective de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avait presque été perçue, à tort évidemment, comme un non-événement. Incomparablement moins importante que le 11-Septembre ou que la faillite frauduleuse d'Enron. Aujourd'hui, il en va de même avec l'accord historique que la Chine, toujours elle, va mettre en oeuvre avec l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est). Conformément à un processus lancé en 2002 et entré partiellement en application en 2005, Pékin et les six principaux pays de l'Asean (Indonésie, Philippines, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Brunei) suppriment le 1er janvier les barrières douanières concernant 90 % de leurs échanges commerciaux. Cette zone de libre-échange est comparable à l'Union européenne ou à l'Alena en Amérique du Nord. Près de deux milliards de personnes sont concernées.
L'Asean a été créée, en 1967, pour résister aux régimes communistes. Cet accord illustre, à sa manière, le basculement du monde intervenu depuis lors. Contrairement à ce que croyaient les dirigeants de l'Asean il y a quarante ans, ce ne sont pas les soldats de l'Armée populaire qui les envahissent, mais les produits made in China. L'Indonésie, qui représente à elle seule 40 % du PIB de l'Asean, a d'ailleurs été la plus réticente, et le patronat textile voit cet accord d'un très mauvais oeil.
Deux chiffres résument la situation. Le déficit de l'Asean avec la Chine est actuellement comparable à l'excédent de l'Asean avec les Etats-Unis : environ 21 milliards de dollars dans les deux cas. On peut donc parier que, grâce notamment à la faiblesse du yuan, Pékin - premier partenaire commercial de ces six pays devant les Etats-Unis - conquerra encore plus massivement les marchés de Bangkok et de Djakarta. Mais l'Asean ne se jette pas dans la gueule du dragon sans raison : malgré son déficit commercial avec Pékin, elle peut d'autant moins se passer de la dynamique de son (trop) puissant voisin que son principal client, de l'autre côté du Pacifique, connaît une crise sans précédent. Bref, la Chine, qui est en passe de détrôner l'Allemagne comme premier exportateur de la planète et de supplanter le Japon comme deuxième puissance économique mondiale, exploite au mieux un rapport de forces qui lui est très favorable.
Cela n'est évidemment pas sans conséquence sur le reste de la planète : la question des raisons d'être de l'OMC va finir par se poser, et il est plus que temps que la Chine prenne ses responsabilités mondiales et accepte de réévaluer le yuan.
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